12.05.2021
Comprendre le choc des générations et son impact sur la stratégie de recrutement des entreprises
« OK Boomer ». Si Chlöe Swarbrick n’est pas à l’origine de cette expression devenue culte, elle restera à jamais dans la mémoire collective comme étant celle l’ayant popularisée. A l’instar de Greta Thunberg, cette parlementaire néo-zélandaise de 26 ans incarne la prise de conscience de l’Occident qu’un choc des générations est en cours au sein de sa société. Quelles sont les conséquences de ce déclenchement officieux ? Que doivent mettre en place les dirigeants d'entreprises pour affronter sereinement ce phénomène de société et réussir l'inclusion des jeunes dans le monde du travail ?
L’enfer, c’est les autres
Générations Baby Boomer, X, Millenials, Z… que l’on croie ou non à la théorie générationnelle¹ inventée par William Strauss et Neil Howe, il est incontestable qu’une fracture existe entre « jeunes » et « vieux ». Ayant grandi dans des contextes politiques, économiques, sociaux et technologiques différents, leurs points de vue sont bien souvent opposés bien qu’il faille se garder de tomber dans les clichés et les amalgames (tous les jeunes n’étant pas des militants engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique et tous les vieux des prédateurs sexuels sans conscience écologique). Ce qui était concédé à une époque (pas si lointaine) ne l’est plus aujourd’hui ; résultat des différentes prises de conscience collectives initiées par la viralité des réseaux sociaux. Les tendances sociétales émergeantes comme la libération de la parole des femmes, la lutte contre le réchauffement climatique ou bien le combat pour la cause animale s’entrechoquent avec les priorités d’une classe dirigeante dont le statut se trouve désormais menacé. Une lutte des générations qui n’est pas sans conséquences pour le marché du travail devant inciter les dirigeants à se questionner sur leurs politiques d’entreprises. Comment appréhender ce phénomène de société pour son établissement ? Les méthodes managériales en place sont-elles adaptées ? Alors que les Millenials représenteront 75 % de la population active dès 2025 et que la génération Z fait d'ores et déjà son entrée sur le marché de l’emploi, il est grand temps pour les acteurs économiques de réussir l’inclusion des jeunes générations en milieu professionnel.
« De toute façon les jeunes ne veulent plus travailler »
Qui n’a jamais dit, lu ou entendu cette phrase ? Si prétendre que les jeunes ne veulent pas travailler relève du fantasme, il est en revanche certain qu’ils aspirent à des destins professionnels autres que ceux de leurs ainés. Ils ont entendu et intégré, à tort ou à raison, qu’ils n’auraient probablement ni retraite, ni le même emploi tout au long de leur carrière. Ils ont vécu la crise économique de 2008 et s’apprêtent à affronter celle liée à la COVID-19. Certains ont vu un parent être licencié après 25 ans de loyauté quand d’autres connaissent un proche sur-diplômé enchaînant les déconvenues sur le marché de l’emploi. Comment leur en vouloir de tenter d’échapper à un avenir si morose de prime abord ? Malgré ces attentes différentes, la majorité des jeunes reste convaincue que travailler est un devoir envers la société. Mais alors, que veulent-ils ? Si la rémunération reste un critère transgénérationnel, ils sont nombreux à privilégier, avant tout, un emploi qui a du sens. Nés aux prémices de l’intérêt pour l’écologie - et bien que leur « engagement » puisse parfois être superficiel et fantasmé² voire galvaudé par des comportements paradoxaux³ - ils tendent à cibler les entreprises dîtes RSE, c’est-à-dire celles aux méthodes vertueuses d’un point de vue environnemental et sociétal. Ultra-connectés, ils étaient suffisamment jeunes lors de l’introduction massive de l’informatique grand public (certains n’ont même jamais connu le monde sans internet) et en ont acquis une maîtrise intuitive. Conséquences ? Ils se sont habitués à l’instantanéité offerte par les outils numériques générant en eux une obligation d’immédiateté et le sentiment que rien n'est impossible. Des caractéristiques se retrouvant dans leur volonté d’obtenir rapidement des postes où ils pourront être autonomes, créatifs et participer aux prises de décision des entreprises. L’autre conséquence de leur utilisation accrue du numérique est l’instauration d’une « culture » du zapping. Ils ont sans cesse besoin de nouveautés, d’apprendre de nouvelles compétences et de se former. Malheureusement, comme le démontrait le cabinet Deloitte dans une étude de 2019, plus de la moitié des entreprises ne se considère pas suffisamment efficace pour identifier, développer et maintenir les compétences nécessaires à leur organisation ; à méditer donc.
Focus hôtellerie-restauration
Certains secteurs, de par la nature de leurs activités, éprouvent de nombreuses contraintes à proposer une expérience employé avantageuse. Prenons l'exemple de l'hôtellerie-restauration. Depuis de nombreux mois les témoignages des restaurateurs sur leurs difficultés à recruter ne cessent d'être médiatisés. Si la pandémie est pointée du doigt, le phénomène n'est pourtant pas nouveau. En 2018, alors que Pôle Emploi dénombrait 286 000 projets de recrutement dans les métiers de l’hôtellerie-restauration, près de la moitié était jugée difficile à pourvoir. Une désertification de la main d’œuvre due, entre autres, aux conditions de travail et aux difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle. En effet, difficile, voire impossible, pour les hôteliers et restaurateurs de proposer des horaires flexibles tout en instaurant l’atmosphère de travail d’une start-up. Néanmoins, il est essentiel de ne pas se cacher derrière les spécificités du métier pour éluder toutes remises en question et bafouer le Code du Travail. Tout n’incombe évidement pas aux dirigeants d’entreprises, les décideurs politiques se doivent également de sortir de leur torpeur en commençant par la formation. Dans ce secteur pourtant en perpétuelle évolution, les choses bougent peu ou presque sur ce point. Prenons l’exemple du café. Alors que depuis plusieurs années les coffee shops fleurissent dans nos centre-villes, que le café de spécialité gagne chaque jour des parts de marché et que les ventes de machines à broyeurs explosent auprès des particuliers, les formations barista et torréfacteur sont totalement absentes des programmes de l’Education Nationale (seuls des coffee shops ou centre de formations privés proposent des formations sanctionnées par de simples certifications). Combien d’années encore faudra-t-il pour que ce segment de consommation soit considéré à la hauteur de son potentiel et de l’engouement que lui manifestent les consommateurs ? Quid des autres segments sous-exploités ? Quand est-ce que les syndicats hôteliers concentreront leurs efforts au bien-être des employés, afin de rendre le secteur attractif autrement que par les émissions gastronomiques télévisées ?
Si vieillesse savait, si jeunesse pouvait
Les dirigeants se doivent de renouveler leur approche entrepreneuriale en soignant bien évidemment leur image de marque (séduire le consommateur) mais également leur marque employeur (attirer et fidéliser les meilleurs talents) pour convenir aux exigences des générations Millenials et Z sur le marché du travail. Il est essentiel d’intégrer que ces deux générations sont relativement différentes des précédentes afin de prendre en considération leurs spécificités. La mixité multigénérationelle est un atout, cependant elle ne peut être exploitée si les entreprises ont recours à des schémas trop hiérarchisés ; l’échange des connaissances ne doit pas uniquement se faire des « vieux » vers les « jeunes », la réussite dépendant des capacités des différentes générations à s’apporter mutuellement.
Et vous, quelle stratégie avez-vous adopté pour attirer et fidéliser les meilleurs jeunes talents ?
OK Boomer | Génération Z | Millenials
¹ La théorie générationnelle est couramment utilisée en marketing afin d’anticiper les comportements d’achats du consommateur occidental. Baby Boomer (1943-1960), X (1961-1981), Millenials ou Y (1982-1996), Z (1997-2010)
² Si 71 % des 18-30 ans se qualifient comme engagés, seulement 22 % sont actifs au sein d’une association ou d’un parti politique (sondage Opinionway - octobre 2020)
³ Si 70 % des 18-30 ans indiquent avoir déjà arrêté d’acheter des produits ou des services d’une marque pour des raisons éthiques, ils sont en même temps 87 % à déclarer acheter des produits de marques « à la ramasse » niveau éthique et environnemental (sondage Opinionway - octobre 2020)
Article rédigé par Yohan Guyonnet couteau suisse de l'agence web Poona à La Rochelle | À son retour en France en 2019 il co-fonde l’agence web Poona aux côtés de sa sœur Jennifer spécialisée dans les domaines du marketing et du digital. Capitalisant sur ses 15 années d'expérience dans les métiers de l'hospitalité, il aime prendre en exemple les acteurs économiques de son domaine de prédilection pour illustrer ses articles traitant majoritairement de la stratégie des entreprises sous un angle sociétale.